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  • ° Pour une fois que j'étais pas [excessivement] en retard pour manger, j'ai vu une partie du journal de 20heures.

    Reportage sur un fait pas d'actualité.

    Un fait actuel, mais éternel.

    Un principal a découvert (avec l'extrême lucidité et la clairvoyance qui caractérisent tous les êtres de cette espèce) que des élèves de son bahut étaient... des souffre-douleurs.

    Vous savez, oui, évidemment, vous savez. Les souffre-douleurs, ceux qu'on n'aime pas, on ne sait pas pourquoi.
    De toute façon personne ne les aime, ils ont bien dû faire quelque chose pour qu'on pense tous la même chose. Alors on se débrouille pour ne pas être à côté d'eux en cours, ne pas leur adresser la parole, ne pas manger avec eux.

    "Ce sont des élèves à part, qui sont + faibles" Voilà le genre de conneries qui explique l'existence des bouc-émissaires. [Racheter ses péchés. En étouffant de haine celui qui ferme sa gueule]

    Vous en connaissez, oui, bien sûr, c'est "normal". Mais celui que vous connaissez, c'est pas pareil, parce qu'il est vraiment bizarre. Vous comprenez ?

    Vous avez déjà essayé de lui parler mais il répond à peine, on dirait qu'il cherche à fuir, c'est chiant. Des fois il répond même pas. Franchement ça se fait pas, faut qu'il fasse des efforts de son côté aussi. Et puis j'sais pas, à mon avis il s'en fout tu vois, parce que sinon bah il irait en parler à quelqu'un. Moi je serais à sa place, j'me laisserais pas faire.

    Donc c'est pas votre faute. Bah non. C'est jamais la faute de personne.

    Et puis des fois on lui fait des blagues marrantes et il rigole même pas. Un con quoi.

    "Le problème de ces élèves, c'est qu'ils ne parlent pas de leur souffrance. Alors il faut essayer de détecter d'autres signes. Aller souvent à l'infirmerie, ou ne plus venir en cours."

    Ben voyons. Excellente méthode, inclinons-nous devant la perspicacité de ces grands psychologues ! Avec ces symptômes éloquents, ils vont se retrouver avec toutes les pouffes de leur bahut sur les bras. Surtout celles qui gloussent fort, celles qui rigolent aux blagues trop marrantes de leurs potes trop fun quand ils cachent le sac de sport de l'autre con en haut des casiers. Celles dont l'autre con est amoureux, parfois.

    Alors voilà, on attend qu'ils ne viennent plus en cours pour se poser des questions.

    "Parfois, un changement d'établissement est à envisager."

    Tellement rejeté qu'il doit disparaître. Fabuleux.

    Ceux qui meurent de douleur n'abandonnent pas toujours.
    Je ne dis pas que ceux qui n'ont plus la force de vous affronter souffrent moins. Je dis que chacun fait comme il peut, c'est-à-dire mal, en général.

    A force de lui rappeler qu'il ne mérite pas votre respect, qu'il ne sert à rien, qu'il n'est même pas vraiment humain, vous le persuadez. Alors il accepte. Il y a les autres, et lui. Qui ne peut rien faire et qui ne fait rien, parce que ça ne sert à rien. Mais qui reste là. Qui se transforme en mur fantomatique. Il essaie de disparaître, de se soustraire à vos regards, mais il est toujours là. Il ne réagit plus, c'est ça qui vous énerve, il ne réplique plus, il emmagasine. L'énergie que vous mettez à le détruire foudroie son corps et son esprit absorbe la haine.

    Ce qui est terrifiant, ce n'est pas que des tueries comme celle du lycée de Colombine aient lieu. C'est qu'elles soient si rares.

    Ce qui est terrifiant, c'est que la seule méthode pédagogique qu'ils aient trouvée pour "lutter contre ce phénomène", c'est faire écrire aux mioches de 6èmes les règles qu'ils s'engagent à respecter. "Je ne formerai pas un groupe contre une personne."

    Vu le succès de "Tu ne tueras point", on est en droit de douter de l'efficacité de "l'innovation".

    J'ose croire qu'il nous hait. Je l'espère.

    Je ne suis pas meilleure que vous. J'ai juste décidé d'arrêter.

    Non, je ne suis pas gentille. Le problème ne vient pas de là. C'est si facile d'être méchant. Tellement pratique. On n'y peut rien, n'est-ce pas ? Vous ne comprenez même pas le sens du mot "méchant". (Pour le comprendre, il faudrait être du mauvais côté du rire, de temps en temps.) Le problème c'est que vous êtes libres.

    Moi aussi j'ai rit. Non, je ne me moquais pas, je riais juste aux blagues. Comme vous. Coupable en toute quiétude.°


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